Les VSS dans le monde du cinéma, prendre la parole pour faire bouger les choses ? 

« Depuis quelque temps, la parole se délie, l’image de nos pères idéalisés s’écorche, le pouvoir semble presque tanguer, serait-il possible que nous puissions regarder la vérité en face ? Prendre nos responsabilités ? Être les acteurs, les actrices d’un univers qui se remet en question ? ». Cette phrase, prononcée lors de la 49e cérémonie des César par l’actrice française Judith Godrèche cherche à interpeller sur les violences sexistes et sexuelles dans le monde du cinéma. Elle invite à l’initiative, s’inscrit dans une volonté de faire bouger les choses.

Alors, de manière croissante ces dernières années, le monde du cinéma s’inscrit dans la continuité du mouvement MeToo. MeToo est un mouvement social encourageant la prise de parole des femmes, dans le but de faire savoir que le viol et les agressions sexuelles sont plus courante que ce qui est souvent supposé et de permettre aux victimes de s’exprimer. Il s’agit d’un moyen de revendication des droits des femmes et il a entrainé une prise de conscience quant au respect de ceux-ci. Ce mouvement a été lancé par la militante afro-américaine Tarana Burke en 2007 pour dénoncer les violences sexuelles, notamment à l’encontre des minorités. Il n’a cependant pris de l’importance qu’en octobre 2017 à la suite de l’affaire Harvey Weinstein. Ce producteur de cinéma Hollywoodien était accusé par plus de 90 femmes, dont Judith Godrèche et Rose McGowan, de violences sexuelles. Il a été condamné en 2020 à 23 ans de prison ferme. Ce mouvement a encouragé la prise de parole et le témoignage des victimes du producteur et a par ailleurs permis d’alimenter des réflexions portant sur la prescription des crimes sexuels sur mineur. Selon Le Monde, la prescription se défini comme la « durée au-delà de laquelle une action judiciaire ne peut plus être exercée et l’auteur d’une infraction à la loi ne peut plus être poursuivi. La prescription est justifiée par des principes comme le droit à l’oubli, le pardon légal ou encore la proportionnalité entre la gravité des faits et la durée des poursuites. ». Aujourd’hui, pour les crimes sexuels sur mineurs (viols), les faits sont prescrits à partir de 30 ans à partir de la majorité de la victime.

Aussi, plusieurs affaires en lien avec ce mouvement ont ébranlé le monde du cinéma français ces dernières années. Il est possible de citer l’affaire Roman Polanski, réalisateur inculpé en mars 1977 dans une affaire d’abus sexuels sur mineur et condamné à une peine de prison, mais également l’affaire Adèle Haenel, actrice victime d’attouchement et de harcèlement sexuel qui a finalement décidé en 2023 de quitter le monde du cinéma pour dénoncer la « complaisance généralisée du métier vis-à-vis des agresseurs sexuels ». Judith Godrèche quant à elle, porte plainte le 7 février 2024 accusant Benoit Jacquot de « viols avec violence sur mineur de moins de 15 ans par une personne ayant autorité », ce qu’il nie. Elle porte également plainte contre Jacque Doillon, acteur et réalisateur français, un temps le compagnon de Jane Birkin. Adèle Haenel comme Judith Godrèche dénoncent avec leurs actions et leurs mots, un silence pesant sur le monde du cinéma, un silence qui rend d’autant plus difficile la prise de parole des victimes, en particulier des mineurs.

Ainsi, c’est aussi dans le contexte du procès de Gérard Depardieu, acteur français accusé par plusieurs femmes d’agressions sexuelles, qui se déroulait du 2 au 25 mars 2025 avec un jugement délivré le 13 mai, que s’est constituée la commission d’enquête parlementaire sur les violences sexistes et sexuelles dans le monde de la culture. Une commission d’enquête a pour mission de « recueillir des informations et contrôler l’action du gouvernement grâce aux pouvoirs d’investigation spécifiques qui lui sont reconnus ». Sa création intervient souvent en réponse à des faits ou des situations sensibles dans l’opinion publique et justifiant une évaluation approfondie du Parlement. Cette commission d’enquête relatives aux violences commises dans le monde de la culture s’est constituée en mai 2024 et ses travaux se sont achevés le 2 avril 2025. Elle était menée par les députés Sandrine Rousseau et Erwan Balanant. Lors de celle-ci ont été réalisées 85 auditions, correspondant à 118 heures d’échanges avec 350 professionnels auxquels s’ajoute des centaines de témoignages depuis le mois de novembre. Des actrices et acteurs tels que Judith Godrèche, Pio Marmaï, Gilles Lellouche ou Anna Mouglalis ont été auditionnés lors de cette commission. Ainsi, à l’issu de cela, la commission a publié 86 recommandations. L’une d’entre elle proposant par exemple « l’interdiction des représentations sexualisés des mineurs à l’écran et dans les photos de modes, par exemple en les montrant en sous-vêtements, en prévoyant certaines exceptions, mais très clairement définies ». Finalement, cette commission a été marquée par l’émotion et par la volonté de permettre aux victimes de sortir du silence et de mettre en lumière les violences existant dans le monde du septième art.

En somme, il est désormais possible de se questionner sur l’avenir concernant le témoignage sur les violences sexistes et sexuelles dans le monde du cinéma, en particulier pour les actrices et acteurs mineurs. Ces mouvements et actions permettront-ils au silence et a l’impunité de disparaître, ou du moins de progressivement s’amenuiser pour laisser place à la parole ?

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