Gouvernement Barnier : la montée en force de LR

Ce samedi 21 septembre, après quelques tractations avec Emmanuel Macron, le Premier Ministre Michel Barnier a finalement dévoilé aux Français son gouvernement de 39 ministres et secrétaires d’Etat.

Sur les 19 ministres de plein exercice, c’est-à-dire les ministres n’exerçant sous la tutelle d’aucun autre, 5 sont issus de l’ancien gouvernement Attal, et donc pour la plupart du camp présidentiel. Jean-Noël Barrot, ancien ministre délégué à l’Europe et désormais ministre des Affaires Etrangères, est l’un de ceux-là. Passé également par le ministère du Numérique et député des Yvelines, il a prononcé lundi 23 septembre son premier discours à l’Assemblée Générale de l’ONU, quelques heures à peine après son entrée en fonction. Catherine Vautrin, ancienne ministre de la Santé et du Travail sous Gabriel Attal, est désormais 3ème du gouvernement en tant que ministre des Territoires et de la Décentralisation. Une place de choix pour ce ministère jusque-là relégué au second plan, et qui résonne avec les origines savoyardes et l’attachement territorial de Michel Barnier. Sébastien Lecornu, que beaucoup décrivent comme le protégé de la Première Dame Brigitte Macron, reste lui à son poste de ministre des Armées et des Anciens combattants. Quant à Agnès Pannier-Runacher, ministre depuis le gouvernement Borne dans les domaines énergétique et agricole, elle hérite désormais de l’Environnement et de l’Energie en tant que ministre de plein exercice. On retrouve également Guillaume Kasbarian, charismatique ex-ministre délégué en charge du Logement, qui remplace désormais Stanislas Rigaud au ministère de la Fonction Publique. Et enfin, Rachida Dati, qui conserve son poste de ministre de la Culture au Palais Royal, après avoir été nommée par Gabriel Attal à ce poste. Elle avait été notamment particulièrement remarquée à Cannes.

Parmi les nouveaux arrivés, dont l’entrée au gouvernement pourrait être qualifiée de plus ou moins fracassante, on retrouve en premier le LR conservateur Bruno Retailleau, nommé par Michel Barnier place Beauvau (ministère de l’Intérieur). Ses positions plutôt marquées sur les questions de l’immigration et de la sécurité, que le grand public connaissait, ont été remises sur le devant de la scène dès son discours d’investiture. Il y a notamment énoncé ses priorités : “La première, rétablir l’ordre. La deuxième, rétablir l’ordre. La troisième, rétablir l’ordre”. Mentionnant notamment la police, il a également ajouté : “Je ne céderai rien, je ne tolérerai aucune offense physique et verbale contre les forces de l’ordre”. Il remplace à ce poste Gérald Darmanin, en poste depuis 2020 et ayant traversé, entre autres, l’épidémie du Covid et la gestion du confinement, et la houleuse réforme des retraites.

Une autre nomination pour le moins étonnante est celle du Garde des Sceaux et ministre de la Justice, Didier Migaud. En effet, certains analystes politiques se sont exprimés dans la presse nationale ces derniers jours quant au “manque de pertinence” de ce choix par Barnier. Il est tout d’abord le seul ministre apparenté gauche du gouvernement, et le numéro deux certes, mais le fait qu’il ne soit même plus membre du Parti Socialiste questionne. Mais Migaud s’est surtout illustré par le passé dans le domaine économique et non judiciaire, en tant que premier président de la Cour des Comptes de 2010 à 2020, ou encore rapporteur général du budget entre 1997 et 2002 à l’Assemblée Nationale ou président de la commission des finances entre 2007 et 2010. Il avait notamment proposé des réformes concernant la taxation des superprofits, rappelle Etienne Gernelle, directeur du journal Le Point, qui s’exprimait sur RTL lundi 23 septembre. Connu pour sa rigueur budgétaire, Didier Migaud devra faire face à une importante coupe budgétaire dans le budget de la Justice : près de 500 millions d’euros en moins. Mais d’aucuns pensent donc qu’il aurait été plus judicieux de le nommer à la place d’Antoine Armand au ministère de l’Economie.

D’autant que la tâche s’annonce rude de ce côté-ci, Michel Barnier ayant adopté le redressement fiscal de la France comme cheval de bataille. Il envisageait même, lors de sa première intervention télévisée après la formation du gouvernement dimanche 22 septembre au 20h de France 2, d’augmenter la taxation des fortunes les plus importantes de France : “Je ne vais pas exclure que les personnes les plus fortunées participent à l’effort national”. Une annonce qui a fait grincer des dents. Et ce n’est ainsi pas pour rien que le ministre en charge du Budget, Laurent Saint-Martin, a été placé directement sous la tutelle du Premier Ministre, et non sous celle du ministre de l’Economie et des Finances comme cela était l’usage quand Bruno Le Maire occupait la fonction. Son remplaçant, Antoine Armand, a par ailleurs annoncé au journal Les Echos le 24 septembre que la situation économique est telle que la France “a un des pires déficits de l’histoire”.

On retrouve également à l’Education Nationale Anne Genetet, députée macroniste des Français à l’étranger et médecin de formation. Elle était jusque-là plutôt connue pour son travail sur la défense et la politique étrangère, et sa nomination a donc de quoi étonner les syndicats enseignants. “Gabriel Attal non plus n’avait pas de compétences spécifiques sur l’éducation, démine l’entourage de la ministre, mais elle a une grosse capacité de travail”.

Un grand absent a néanmoins marqué ce nouveau gouvernement dès sa nomination : aucun ministre en charge des personnes en situation de handicap n’avait été nommé, alors que cela était le cas dans les gouvernements macronistes précédents. Après une forte mobilisation des associations, qui se sont dites “indignées”, nous avons appris par le biais de France Inter qu’une ministre déléguée à ce sujet allait être nommée dans les jours à venir. Elle serait directement placée sous l’autorité de Matignon.

Certains ont pu également remarquer que le titre de Premier Ministre de Michel Barnier avait été agrémenté de la mention “en charge de la planification écologique”. La question environnementale semble donc placée au centre de ce nouveau gouvernement, et ce n’est pas sans rappeler celui d’Elisabeth Borne en 2022, cette dernière qui avait été elle aussi chargée en premier lieu par Emmanuel Macron de l’écologie. Malheureusement, on s’en souvient, elle avait été quelque peu déroutée de son objectif principal par l’ambitieuse réforme des retraites avancée par le Président. On espère donc que, cette fois-ci, un véritable bilan environnemental découlera de ce gouvernement, qui peine pour le moment à gagner en légitimité auprès des Français, en témoigne ce sondage Elabe pour BFMTV du 25 septembre qui indiquait que 59% des Français en étaient mécontents. A suivre…

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