Avant tous, j’aimerais mettre un avertissement, cet article aborde les thèmes des TCA, du viol, et de l’automutilation. Ce dernier peut recensé des termes fort, car je considère qu’on ne peut plus ce permettre d’être doux dans la situation actuelle. Néanmoins, bonne lecture à tous.
14 ans, ce n’est pas l’âge moyen des premières règles, ni de la découverte du programme scolaire de 4ème, en France, c’est l’âge moyen d’entrer dans la prostitution. Un phénomène bien trop méconnu et stéréotypé, là où l’on imagine des femmes adultes pleinement consentantes et conscientes, celles qui ont eu “une mauvaise vie” sont enfaîte des enfants. En revient de même pour les “tournantes”, ou des “garçons manqués” se voient leur vie plongée dans un véritable cauchemar. Comment nous avions pu autant étouffer ces phénomènes, comment nous avions pu tuer nos filles ? Comment le système duquel nous refusons de sortir par conformisme, à l’heure ou vous me lisez, détruit l’existence de nos femmes, de nos mères, mais surtout de nos filles ? La réponse est bien dure à apporter.
“Tout doucement, je meurs par le regard que l’on ne me donne pas.” écrivit Samira Bellil dans l’Enfer des tournantes en 2002. Aujourd’hui, dans notre vocabulaire, on peut apercevoir le terme “elle a tourné” pour parler d’une fille qui a fréquenté beaucoup de garçons (ce qui par ailleurs reste profondément sexiste), mais ce terme est déformé de sa signification première : une femme qui a tourné est une femme victime d’un viol collectif. La tournante, est probablement un des actes les plus bestiaux que notre société si parfaite a créé, des adolescentes, manipulées par leur premier amour, sont emmenées dans des caves où les amis de ce dernier l’attendent : et là, la jeune fille n’est plus seulement inférieure aux dizaines de garçons face à elle, elle n’est plus humaine, elle n’est même pas un animale, elle est réduite à un objet de plaisir. “Je me sens étouffée, asphyxiée, prise au piège dans un monde que je n’aime pas, sans issue pour en sortir.” (Samira Bellil, victime de tournante à l’âge de 14 ans) et la vie ne sera plus jamais la même. Nina, 16 ans, pour Libération en 2012, n’arrive même pas à donner le nombre exact de ses violeurs : il y en avait au moins 25, 18 retrouvés par la police, quand les passants ont aperçu une cinquantaine de porcs faire la queue. Elle prit 70 kilos: “Quand je vois mon corps dans le miroir, je vois ce qu’ils m’ont fait.”
Et à tout hasard, qui affirme que ces enfants victimes d’une atrocité inqualifiable sont consentantes?
L’éternelle voix de la raison : les hommes. Vu que l’humiliation n’est pas assez suffisante, ces jeunes filles traînent derrière elle une réputation de “pute”: “Une fille qui se fait tourner dans le quartier, on ne la force pas, c’est qu’elle veut. Tout le monde le sait. C’est une “taspé” (pétasse), elle dit pas qu’elle veut pas.” Ces filles ne sont pas celle qui assume le plus leur féminité, elles ont bien souvent une image de “garçon manqué”, mais évidemment les vêtements ou l’attitude justifie le viol. Ces filles, on peut les violer, parce qu’elles traînent dehors, et parce qu’en se comportant en homme (déjà à voir ce que cela signifie) elles veulent attirer les hommes. La différence est là, on retire aux femmes leur humanité de force, les violeurs eux, ne en ont jamais eu.
“Personne ne pouvait m’aimer si je ne donnais pas mon corps“, témoigne pour France TV une enfant victime du crime de la prostitution. Et sachez que ces enfants ne sont pas rares, car 60% des prostituées dans le pays des droits de l’Homme, sont mineures ( observatoire national des violences faites aux femmes). Et nous pourrions jouer sur les chiffres, en disant que la majorité doit avoir 17, ou 18 ans, et là encore les faits sont d’autant plus terrorisants: l’age moyen d’entrer est de 14 ans (classe de 4ème), et il est devenu tout sauf exceptionnel d’en voir qui commence à 12 ans (à peine arrivé au collège donc). Qui sont celles qu’on oublie, celles qu’on juge trop vite, celles qu’on traite de “pute” ? Des enfants, ayant une enfance terrible marquée par de la violence physique, psychologique mais surtout sexuelle.(d’après L’ACPE). Celle à qui on a appris qu’elle ne valait rien, que la dignité ne leur était pas accordée, et que leur corps ne leur appartenait pas. Elles (car oui parmi ces mineurs, 94 % sont des filles)sont à la charge de L’ASE (aide sociale à l’enfance), et cela les proxénètes et les clients le savent pertinemment. Ces filles vulnérables, montrant déjà des signes de faiblesses psychologiques, sont les proies de ces animaux qui rôdent à proximité des foyers dans le but de les aborder. Et non, l’argent ne peut acheter leur consentement: 86% souffrent de TCA, s’automutilent et présentent symptômes de stress post-traumatique. Une enfant de 12 ans, ayant un passif marqué par des abus, qui est coupé de sa famille, et qui présente une faiblesse psychologique, n’est pas une travailleuse du sexe émanciper du système qui fait le choix de vendre un service, c’est une victime de viol par un pédocriminel. Ce désastre ne ralentit pas, il explose : les affaires de proxénétisme sur mineurs ont été multipliées par six entre 2014 et 2020. «Les jeunes qui tombent dans la prostitution n’en ont pas toujours pleinement conscience. Ils ont du mal à se considérer comme victimes, peuvent croire à tort qu’ils sont en pleine maîtrise de la situation, alors même qu’ils sont sous l’emprise affective et psychologique de criminels. Et beaucoup gardent le silence, par honte ou par peur.» Et ici se trouve le plus gros vice.
“Ces mineurs sont les victimes d’un système qui banalise l’inacceptable” disait la députée Perrine Goulet à propos de la prostitution. Mais qu’est ce qui pose problème dans ce fameux système que tout le monde semble haïr mais qu’on finit tout de même par accepter ? Et bien, tout le monde, pour une fois, semble être d’accord: la fameuse hypersexualisation, explicite ou implicite, pas seulement du corps de la femme, mais de son existence. Pornographie, la femme est d’abord avant d’être humaine, est un outil de business. Et cette industrie, bien qu’il soit dur de l’admettre, est la première vision, voir éducation de la sexualité: 128 millions de sites, 136 milliards de vidéos regardées par an, 500 millions de recherches par jour… En dix ans, l’humanité a regardé l’équivalent de 1,2 million d’années de porno. La pornographie génère des chiffres d’affaires colossaux, au prix de l’instrumentalisation sexuelle des jeunes, de l’objectification de la femme, mais surtout, de la culture du viol. “La seule éducation sexuelle que reçoivent ces jeunes [jeunes de quartiers] est celle des films pornographiques, ils n’ont aucune autre image de la relation amoureuse.( José Stoquart) .” Le porno est omniprésent dans notre société, et continue de la détruire. Voilà pourquoi il n’existe pas de violeurs type. Pour revenir au phénomène des tournantes, l’argument raciste fut utilisé pour expliquer le comportement de ces hommes, alors il est bon de rappeler, comme le dit parfaitement Laurent Mucchielli (sociologue): “Dans les mêmes quartiers populaires, il y a plus de quarante ans, des bandes de jeunes à la peau généralement blanche faisaient la même chose que les bandes d’aujourd’hui dont la peau est généralement colorée. Les explications culturalistes voire ethnicisantes, très en vogue, sont donc invalidées par la comparaison historique.” Etre un violeur, ce n’est pas à la responsabilité de l’éducation des immigrés ou des pauvres, mais à l’éducation de TOUS les hommes. ( et avec Jack Lang, on a pu voir que même les millionnaires peuvent être poursuivi pour viol en réunion…) Le climat est-elle que la domination de l’homme sur la femme est implicitement inscrite dans notre vision de la société, et se retranscrit, discrètement mais violemment, dans les relations. Notre jeunesse manque cruellement d’éducation sexuelle, le tabou et la peur empêchent de prendre des mesures, et cela devient dangereux. Apprendre le consentement, le respect de son corps et de celui des autres ne pourra jamais faire quelconque mal, mais le silence lui, en a fait. Ne laissons plus nos jeunes filles penser que leur corps ne vaut rien, pire, qu’il appartient aux hommes.
Alors oui, nous avons tué nos filles, mais il n’est pas trop tard pour les sauver.
Sources:
en majorité subis avant 18 ans, enquete “Virage” INED 2015
«Ils étaient au moins vingt-cinq. Certains me tenaient, d’autres rigolaient» Libération, 2012
“Une fille qui se fait “tourner” dans le quartier, c’est elle qui l’a cherché” Le Monde,2001 ; «Ils étaient au moins vingt-cinq. Certains me tenaient, d’autres rigolaient» Libération, 2012
Victime d’une tournante à 14 ans, Samira rompt la loi du silence | INA Mireille Dumas
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témoignage de Christine, cheffe de foyer, pour France TV
Aleteia: Prostitution des mineurs: ne détournons pas le regard