Dans l’immensité de la mer numérique, TikTok se dresse comme un phare qui attire plus de 1,5 milliard d’utilisateurs actifs mensuels en février 2025 (d’après « Blogue du Modérateur »). Cette popularité fulgurante en fait l’une des applications les plus téléchargées au monde. Un microcosme à la fois fascinant et déroutant, où l’on trouve des éclats de génie aussi bien que des abysses d’insignifiance. Entre ces deux pôles, l’équilibre semble fragile, comme une corde tendue au-dessus du vide.
D’un côté, TikTok est devenu l’outil du rêveur. Là où certains voient une plateforme éphémère, d’autres y dénichent un véritable tremplin pour leurs idées. La créativité y est redéfinie, libre et sans frontières. Des vidéos d’animation ingénieuses aux challenges de danse, en passant par des performances artistiques improvisées, chaque coin de TikTok est un terrain d’expérimentation. D’après les chiffres de Metricool, 21,4 millions de Français utilisent l’application chaque mois, et l’utilisateur moyen y passe 38 heures et 38 minutes par mois. À travers ce canal direct, sans filtre, de simples anonymes peuvent se transformer en stars de l’Internet. Mais à quel prix ?
Dans cet océan de contenu, l’ombre des tendances inutiles et parfois dangereuses n’est jamais bien loin. Chaque défi ou mouvement viral peut devenir une vague de popularité qui emporte tout sur son passage, mais parfois, cette vague laisse derrière elle des ruines. L’espace de TikTok est également peuplé par ce qu’on pourrait appeler la « culture du vide » : des vidéos qui ne font que surfer sur la viralité sans rien apporter de nouveau. D’après une étude de Common Sense Media, la consommation excessive de contenus courts sur TikTok aurait un impact sur la capacité de concentration des jeunes, en réduisant leur patience face à des formats plus longs et approfondis. Plus que de simples distractions, ces vidéos se nourrissent souvent de moqueries et d’un cynisme qui n’a de place que dans le royaume du superficiel.
Derrière chaque film de 15 secondes, des mouvements haineux peuvent naître, comme une danse macabre où la bêtise se répand à la vitesse de l’éclair. D’après un rapport du Center for Countering Digital Hate, les algorithmes de TikTok exposent les adolescents à des contenus toxiques en seulement quelques minutes de navigation, notamment des vidéos promouvant des troubles alimentaires ou des comportements à risque. Ces tendances n’ont pour seul but que de capturer l’attention, de vendre du temps et d’engranger des vues. Et, contrairement à ce que l’on pourrait croire, ces contenus ne sont même pas capables de distraire efficacement. Ils laissent une sensation de vide, une sorte de “rage scrolling”, où l’on fait défiler inlassablement ces vidéos en attendant quelque chose de plus, sans jamais vraiment le trouver.
Pourtant, il serait réducteur de voir TikTok sous cet angle sombre. Car dans ce même flot d’images, d’autres font briller une lueur d’espoir. Dans cette arène où le trivial se mêle au génie, certains utilisateurs s’emparent de la plateforme pour redéfinir les règles de la créativité. Des jeunes artistes, musiciens, animateurs et cinéastes en herbe prennent TikTok pour un laboratoire d’idées, un lieu où ils peuvent expérimenter, réinventer des formats et surtout, offrir au monde une fenêtre sur des œuvres originales. D’après une analyse de Forbes, TikTok a permis l’émergence de nombreux artistes indépendants, leur offrant une visibilité inédite et une proximité avec leur public autrefois impossible. L’accessibilité de la plateforme permet aussi à des voix souvent marginalisées de se faire entendre, donnant un pouvoir inouï à la créativité démocratisée.
Mais alors, quelle direction prend cette plateforme ? Un monde où le vide semble parfois avoir pris le dessus peut-il, malgré tout, offrir un terrain fertile pour la naissance de nouvelles formes de culture et d’art ? Il semble que, dans ce jeu à deux faces, le véritable défi réside dans notre capacité à naviguer entre ces extrêmes : comment faire en sorte que TikTok ne soit pas simplement une distraction de masse, mais bien un outil de créativité collective ?
Car au fond, TikTok, comme tout autre outil, n’est ni bon ni mauvais. C’est la manière dont nous choisissons de l’utiliser qui en détermine la valeur. Et si nous parvenons à transformer ces brefs instants de vidéo en fenêtres ouvertes sur l’imaginaire, alors peut-être que, dans ce maelstrom de contenu, l’art émergera, brillant dans la nuit numérique.