La France aura-t-elle un budget en 2025? Aussi folle que cette question puisse paraitre, elle ne cesse de prendre de l’ampleur sur la scène politique nationale. En effet, la préparation du projet de loi des finances ne cesse de prendre du retard. Le texte devait être soumis au Haut Conseil des finances publiques (HCFP), ce qui marque une étape clé dans le processus, puisque c’est le moment où le gouvernement commence à soumettre le texte à des regards extérieurs. Ce n’a cependant pas été le cas, la dissolution de l’Assemblée nationale et la longue attente de la nomination du nouveau Premier Ministre ayant ralenti le processus de rédaction du texte. Le texte est ensuite examiné pendant au moins 12 jours par le HCFP, avant d’être transmis au conseil des ministres. Puis le texte est finalement présenté avant le 1er octobre à l’Assemblée Nationale, c’est en tout cas ce que la loi dispose.
En arrivant à Matignon, le nouveau premier ministre Michel Barnier n’a trouvé sur son bureau qu’un texte minimaliste, rédigé par les deux ministres démissionnaires Gabriel Attal et Bruno Le Maire. Il est pourtant sûr qu’il voudra y laisser sa propre marque sur ce texte si décisif. Les enjeux ne manquent pas pour Michel Barnier : déficit budgétaire, systèmes de santé et d’éducation en manque de financement, taxation des superprofits, etc.
Un texte confronté à des partis divisés
Cependant le réel défi commencera lorsque le texte passera les portes du Palais Bourbon. Suite aux législatives, l’Assemblée Nationale s’est retrouvée divisée entre trois forces politiques majeures, le Nouveau Front Populaire (gauche), Ensemble pour la République (parti présidentiel) et le Rassemblement National (extrême droite). Si chaque parti compte environ le même nombre de députés, leurs intérêts divergent au plus haut point.
En effet, le NFP a affiché la volonté d’augmenter les dépenses de l’Etat de 150 milliards d’euros d’ici 2027, avec notamment une revalorisation du SMIC à 1600 euros net, tout en augmentant également les recettes de l’Etat de 150 milliards d’euros. Le financement du programme du NFP s’appuie sur de nombreuses mesures comme le rétablissement de l’impôt sur la fortune et la suppression de niches fiscales jugées “inefficaces, injustes et polluantes”. Jean Luc Mélenchon avait annoncé après le résultat des législatives : “Le Nouveau Front Populaire appliquera son programme, rien que son programme mais tout son programme”.
Cependant la hausse des impôts évoquée par le NFP se heurte à la volonté du parti présidentiel de ne pas augmenter les impôts et de redresser le déficit budgétaire français, qui a atteint 5,5% du PIB en 2023. Si certaines mesures ont déjà été prises par les anciens ministres macronistes, comme le décret de Bruno Le Maire, réduisant de 10 milliards les dépenses de l’Etat, la situation budgétaire française reste critique. De plus, la commission européenne a ouvert la voie le 19 juin à des procédures pour déficits publics excessifs contre 7 pays de l’UE, dont la France.
Quant au programme du Rassemblement national, bien qu’il soit flou, une chose reste certaine, il est synonyme d’augmentation du déficit budgétaire. En effet, le programme du RN a été chiffré à 100 milliards d’euros de dépenses publiques supplémentaires. De plus, certaines mesures semblent irréalisables, comme la baisse de la TVA de 20% à 5,5% sur le carburant, puisqu’une modification du taux de la TVA nécessite également l’accord du Parlement Européen. Ainsi dans un cadre de rigueur budgétaire, le programme du RN semble peu applicable.
Michel Barnier aura donc besoin de redoubler d’efforts s’il veut parvenir à faire accepter un budget dans une Assemblée où chaque partie voudra remodeler le texte selon son programme, et où la notion de compromis semble inexistante. L’utilisation de l’article 49.3 de la Constitution semble peu probable puisqu’une motion de censure s’ensuivra presque certainement.
Quels scénarios possibles?
Si jamais aucun texte ne parvient à être voté dans un délai 70 jours, l’activation de l’article 47 de la Constitution permettrait au gouvernement soit d’appliquer les dispositions de son projet de budget par ordonnance ou alors de demander par une loi spéciale à continuer de prélever les impôts et ouvrir des crédits, à hauteur du budget 2024. Enfin, dans le pire des scénarios, l’activation de l’article 16 de la Constitution peut octroyer au Président de la République des pouvoirs exceptionnels à titre temporaires, reposant sur “l’exécution de ses engagements internationaux”, comme présenter un budget à l’Union Européenne.