La police, née en Europe au début du XIXème siècle, rencontra de nombreuses crises et plus que jamais, après les manifestations géorgiennes, les émeutes et la mort de Nahel, ou bien encore les gilets jaunes, elle se retrouve au centre du débat. Mais,ayant originellement le statut de protectrice de la population, garante de la sécurité et de la sérénité dans une société, pourquoi certains la qualifient ils d’institution capitaliste et raciste (Gwenola Ricordeau) , en clair, pourquoi détestons nous la police ?
Une police stigmatisante ?
La police d’Ile de France a conservé un héritage particulier : celui de la guerre d’Algérie (d’après l’historien Emmanuel Blanchard). Recevant l’ordre d’intervenir contre les opposants de la nation, une stigmatisation et discrimination accrues débutèrent contre les populations immigrées algériennes, puis simplement maghrébines. Nous aurions pu supposer que l’oppression s’arrêta à des contrôles, des fichages et des couvre-feux abusifs, mais arriva la nuit du 17 octobre 1961 : trois morts déclarés, plus de 200 estimés par les récents travaux d’historiens. Cette nuit de massacres (provoqués par la simple manifestation pacifique des Algériens, consistant à sortir dans les rues de la capitale après le couvre-feu imposé), n’est qu’un seul des nombreux cas de violences inouïes provoqués par le racisme institutionnel de la police. Les cas plus récents de Zyed et Bouna en 2005, ou encore celui de Nahel en 2023, sont une démonstration de la culture violente et de l’héritage colonial de l’institution. Les grands ensembles d’HLM, appelés aujourd’hui des cités, furent à l’origine créés pour y faire habiter les ouvriers, qui en majorité furent des travailleurs étrangers, qui ont servi la France durant son apogée des Trente Glorieuses ( Archives national du monde du travail, ”Trente Glorieuses: quand les immigrés devaient rapporter”, Jean-Luc Richard), dans ces mêmes quartiers alors, la violence policière y prévalait (avec la mentalité de “contrôler les sauvages”), installant une crainte intergénérationnelle et tout à fait légitime : quand deux adolescents prennent le risque de se faire électrocuter à vif (ce qui par ailleurs leur arrivera) plutôt que de “simplement” se faire contrôler, les pratiques policières méritent de se faire questionner. Le fait est que la stigmatisation est dans les fondements même du mode opératoire de l’institution policière. Quand on a vingt fois plus de chances d’être contrôlé quand on est un jeune homme noir ou arabe (enquête du Défenseur des droits Jacques Toubon), ce n’est pas ici un cas de racisme individuel de force de l’ordre, mais bien un racisme de fonctionnement, une violence dans l’histoire, un racisme institutionnel : la police s’intéresse “à certains crimes commis par certaines personnes dans certains quartiers à une certaine heure de la journée” (” Que fait la police? et comment s’en passer” de Paul Rocher) . L’Homme immigré (particulièrement s’il correspond au type maghrébin ou noir) par sa simple présence sera assimilé à une forme de danger potentielle : et le problème se trouve particulièrement ici.
Une police “militaire” ?
Depuis plusieurs années, un tournant particulièrement répressif s’installe durant les manifestations. Là ou le rôle initial de la police est seulement d’encadrer un dialogue politique entre le peuple et le gouvernement, l’utilisation d’armes quasi militaires (LBD 40, grenade explosiveI-F4,), utilisées initialement dans les cas ingérables de violences urbaines, se voit exploité, laissant place systématiquement à des images d’une violence terrible. Le cas des gilets jaunes est parfaitement démonstratif : mutilations faciales et corporelles, perte de membres (yeux, mains…), allant jusqu’au décès, plus de 2 500 blessés durant des manifestations visant à exprimer un désaccord, face à une politique noyant encore plus la population dans la précarité. Et cela n’a absolument rien d’anodin, durant les manifestations, la police n’encadre plus un dialogue, mais teste sa capacité à établir de l’ordre, teste sa force de l’ordre. Cette violence est là pour dissuader d’exercer un des droits fondamentaux en démocratie : le droit à l’opposition, le droit de penser autrement, de vouloir autre chose, et surtout de l’exprimer. Les slogans comme ACAB (all cops are bastards) proviennent de cette volonté d’abolition et de réformisme d’une police au service pas seulement d’une politique et d’un gouvernement, mais de tout un système répressif. Le danger, l’ennemi de la nation, devient celui allant contre le pouvoir, contre la hiérarchie, et lui mérite la violence (nous pouvons également prendre en démonstration le massacre des manifestations de la Commune de Paris en 1871 , où ici encore la volonté de changement méritait la mutilation et la mort).
Il est évident que la police doit exister, qu’elle reste malgré tout une garantie de sécurité et de confort dans notre société. Elle reste une garante de l’Etat de droit, une protection face au chaos, au terrorisme, et aux maux les plus graves qu’une population peut se voir subir. Mais la réformer, la réorganiser, reste un point fondamental.