Ne plus consommer. Ne plus acheter. Faire le vide autour d’une marque ou d’un pays pour dire non. Le boycott, c’est l’arme des citoyens face aux géants. Une méthode vieille comme le monde, remise au goût du jour à chaque crise. Mais dans un monde saturé de marques, d’idéologies et de flux économiques, a-t-elle encore un vrai pouvoir ? Peut-elle faire vaciller une entreprise, changer une politique, infléchir une guerre ? Ces derniers mois, deux exemples ont relancé le débat : Tesla, en chute libre en Europe. Israël, au cœur de mouvements de boycott mondialisés. Entre stratégie marketing, géopolitique et image publique, zoom sur une arme symbolique… qui peut coûter très cher.
Tesla : une chute libre dans un marché qui grimpe
Sur le papier, tout allait bien. En mars 2025, les ventes de voitures neuves ont progressé de 2,8 % en Europe. Les modèles électriques, poussés par Renault ou Volkswagen, cartonnent. Mais pendant que les courbes montaient, Tesla s’effondrait. Moins 36 % sur le mois. Moins 45 % sur le premier trimestre. Le constructeur américain est passé de 65 774 à 36 167 véhicules immatriculés en un an. Du jamais vu (ACEA, avril 2025). Comment expliquer ce crash ? Une partie de la réponse tient en un nom : Elon Musk. Depuis son rapprochement assumé avec Donald Trump, et sa prise de fonction dans l’administration, son image divise. En Europe, où l’opinion est globalement hostile à Trump, la pilule ne passe pas. Résultat : les consommateurs tournent le dos à la marque. Pas de campagne de boycott organisée. Juste un rejet. Silencieux, mais massif.
Ajoutez à cela des tensions commerciales, des retraits de modèles en Chine, et des prévisions de croissance revues à la baisse. Pour Tesla, c’est l’alerte rouge. Et la preuve que l’image d’un dirigeant peut saboter les ventes, même sans appel officiel au boycott.
Israël : un boycott mondial sous haute tension
Autre contexte, autre échelle. Depuis l’automne 2023, le conflit à Gaza a ravivé les appels au boycott d’Israël. Le mouvement BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions) cible les produits israéliens, mais aussi certaines entreprises américaines jugées complices, comme McDonald’s, HP ou Starbucks.
Les effets se sont vite fait sentir. Starbucks a perdu 10 % de ses ventes aux États-Unis sur la fin 2023 (Bloomberg). Pas uniquement à cause des pro-palestiniens : les conservateurs, eux aussi, ont lancé un boycott, pour des raisons opposées. Entre les deux feux, l’image de la marque s’est effondrée. Et Israël ? Moins touché. L’État hébreu a renforcé ses partenariats avec l’Inde, les Balkans, et d’autres marchés où les appels au boycott peinent à prendre. Les exportations se maintiennent, et les décisions politiques ne changent pas. Mais l’impact est ailleurs : sur l’opinion mondiale, sur l’image diplomatique, sur les universités et les espaces culturels.
Le boycott marche-t-il vraiment ?
Pas toujours. Et rarement à court terme. Selon une étude de Brayden King (American Journal of Sociology, 2011), seuls 25 % des boycotts aboutissent à des concessions visibles. Mais même lorsqu’il échoue à faire plier une entreprise, le boycott peut modifier le jeu. Il déstabilise l’image. Il crée le doute chez les investisseurs. Il alimente la controverse. C’est surtout une guerre d’attention. Les marques misent sur une image lisse, inclusive, universelle. Un boycott, même partiel, vient fissurer cette façade. Et dans une économie où la réputation vaut de l’or, ça peut suffire à faire plier les plus grandes.
Une arme de masse… ou un coup d’épée dans l’eau ?
Le boycott, ce n’est pas une bombe. C’est une lame fine, parfois invisible, mais redoutable. Quand il est coordonné, médiatisé, persistant, il fait mal. Très mal. Quand il est sporadique ou mal ciblé, il s’épuise dans le bruit ambiant. Tesla, malgré elle, en a fait l’expérience. D’autres suivront. Car dans un monde où chaque consommateur est aussi un influenceur, le choix d’acheter, ou pas, est devenu un acte politique.