Nicolas Daubanes, artiste de Perpignan, s’est lancé dans le projet de créer un mémorial dans le lycée La Bruyère afin d’honorer la mémoire de Marcelle et Jacqueline Houly, deux anciennes élèves du lycée déportées lors de la Seconde Guerre mondiale. La question posée aux élèves : Acceptez-vous de voir votre nom accompagner celui de Marcelle Houly et Jacqueline Houly ?
Pourquoi avez-vous décidé de créer ce mémorial ici ? Quelles étaient les techniques particulières que vous avez utilisées ?
Ce projet est assez unique dans le sens où il a été créé au fur et à mesure, sans avoir d’idée fixe au départ. Cela commence par la formation d’un atelier pour les élèves du lycée La Bruyère. Dans un temps supplémentaire, les artistes sont appelés à venir sans vraiment passer de commande. Le fait de voir, de vivre la vie de lycée pendant ces 2 semaines, nous permet de nous imprégner de l’ambiance générale et de chercher à trouver un moyen d’inclure tous les élèves impliqués et d’inventer une œuvre qui entre en communication avec eux. Ce travail était ainsi un aller-retour entre élèves et artistes, sur la question principale : « Acceptez-vous de voir votre nom figurer aux côtés de Marcelle et Jacqueline ? », inscrite sur l’une des colonnes entre leur nom et celui des élèves.
Est-ce que la gravure est une technique qui vous intéresse particulièrement ? Était-ce surprenant de l’utiliser avec plusieurs groupes d’élèves ?
L’esthétique de la gravure en elle-même m’intéresse, mais quand on dit « la gravure », ce qui me séduit le plus, c’est l’aspect dessin sur un matériau différent. Ce qui me plaît, c’est d’enlever la matière à un endroit, de laisser une trace, de se préoccuper non pas seulement du résultat, mais aussi de la matière retirée. Dans cette œuvre, la gravure a du sens : elle va du côté du mémoriel et l’on peut y saisir une subtilité particulière sur le travail de groupe amené par une réflexion commune. Ce n’était même pas une surprise de se mobiliser avec plus d’un seul groupe d’élèves, ni de mettre du temps à réaliser cette œuvre, vu l’ampleur et l’intitulé du sujet.
D’où est venue l’idée de mettre le nom des élèves sur les colonnes pour accompagner leur nom ?
Moi, ce qui me paraissait terrible, c’était que si on marquait le nom de Jacqueline Houly et Marcelle Houly sur les colonnes, elles se retrouveraient seules. Très rapidement, je me suis dit que même si on les mettait côte à côte, elles auraient été globalement seules comme durant la déportation et les camps. Et reproduire ça dans le mémorial, je me suis dit que ce n’était pas possible. Ça m’a rappelé le « je suis Charlie », faisant référence au film Spartacus où les esclaves le protègent. Ce mouvement de soutien, c’est précisément ça que je voulais voir apparaître dans cette liste.
Certains élèves, issus de deux lycées professionnels, Camille Claudel de Remiremont et l’Acheuléen d’Amiens, ayant participé à l’atelier, ont pu nous éclairer sur certains points du projet ainsi que nous donner leur avis.
Ce projet traite de la vie de deux jeunes filles ayant été déportées pendant la Seconde Guerre mondiale. Se cachant initialement dans le lycée, le censeur de l’époque, Léontine Rémy, les amena dans le bureau de la directrice, avant qu’elles ne soient arrêtées par les gendarmes. Après un transit d’un mois à Drancy, elles finirent dans le centre de mise à mort d’Auschwitz-Birkenau en Pologne. Marcelle passa par les chambres à gaz. Jacqueline, elle, réussit à survivre dans différents camps de concentration (Birkenau, Auschwitz et Ravensbrück) avant de retrouver sa vie 11 mois après les camps et la “marche de la mort”. Elle est aujourd’hui âgée de 93 ans et habite à La Rochelle. Cette histoire a donc donné lieu à la réflexion de ce projet dès octobre 2020 par la professeure d’arts plastiques du lycée. À ce jour, 430 noms d’élèves, auteurs de ce projet, figurent sur deux colonnes de l’établissement et entourent ceux de Marcelle et Jacqueline.
Si vous souhaitez en savoir davantage sur ce projet, vous pouvez consulter les documents ci-dessous.
