Eugène Ounéguine, d’Alexandre Pouchkine
“Et le bonheur était si proche, si possible… Mais le destin a tranché”. Aucun héros tragique n’échappe à son destin. La fatalité du destin est le fondement même de la tragédie. Pouchkine reprend le modèle des grandes tragédies, l’écriture en strophes rimées. Je suis convaincue que cette œuvre est une des plus brillantes, sublimes qu’il m’ait été possible de lire. Au-delà du destin, j’associe ce roman au brouillard. Tout dans ce roman me l’évoque. L’hiver tombe sur la campagne russe du XIXème siècle, et je ne vois qu’un paysage enneigé, noir et brumeux. Du brouillard aussi par Eugène qui manque l’amour de sa vie, Tatiana. Comme si notre héros était aveugle lors de son premier passage dans la campagne. Ce qui témoigne d’un amour qui n’est pas toujours foudroyant. Tatiana, elle, tombe éperdument amoureuse de lui. Elle lui dédie une des plus belles lettres d’amour écrit : “Toute ma vie fut la promesse de cette rencontre avec toi”. Quelques années plus tard, il revient dans cette campagne et des remords sanglants l’accablent. Eugène réalise qu’il vient de passer à côté de la plus belle histoire de sa vie. La tragédie prend alors son sens car Tatiana est désormais mariée mais son coeur, lui, reste dévoué à Eugène. Les remords et les peines s’accroissent, la possibilité du bonheur étant impossible. Nous sommes dans cet épais brouillard à la fin du roman. Nous ne savons pas si Eugène et Tatiana connaissent le bonheur, s’ils meurent ou bien si le mari de Tatiana provoque en duel Eugène. Et ce brouillard nous accompagne même en-dehors de notre lecture. Nous avons besoin de nous prêter plusieurs fois à la lecture de ce livre pour le comprendre pleinement. Cependant, à chaque fois la puissance de Pouchkine se révèle, et ce livre nous apparaît comme un des plus grands chefs-d’œuvre de la littérature russe.