Sommes-nous aveugles face à la monstruosité de l’homme ?
« Le péché, c’est aujourd’hui l’exploitation du fait que nous restons aveugles aux conséquences de notre agir ». Le décalage prométhéen, thèse principale de Anders, évoque notre incapacité à nous représenter et à sentir les conséquences de nos actions face à notre capacité de produire et d’agir qui est toujours plus exponentielle. L’homme est dépassé par la détention d’un pouvoir si fort qui peut détruire l’humanité et cette incapacité est d’autant plus renforcée par le phénomène de la division du travail et de la machinisation. Le travailleur est privé du résultat final de son travail et n’arrive donc pas à s’en représenter les conséquences et à en avoir la responsabilité.
Anders prend dans cet ouvrage l’exemple de la Shoah en adressant deux lettres au fils d’Eichmann (Eichmann qui a été un acteur majeur du génocide au côté d’Hitler). Il explique comment la division du travail dans le processus de l’extermination des populations juives et tziganes a rendu aveugle l’homme face à la monstruosité qu’il commettait. Son but n’est pas d’excuser ce qui ont participé à ce génocide mais de montrer que certains exploitent ce décalage prométhéenafin de servir leurs intérêts.
Dans Nous, fils d’Eichmann, Anders **s’adresse à son fils mais plus largement à nous tous pour nous montrer que nous sommes tous héritiers du mal de notre époque et qu’il est de notre devoir de cesser cette continuité et d’en prendre conscience afin qu’il ne se répète pas. Cette première lettre écrite en 1964 résonne encore aujourd’hui et continuera de résonner car l’homme ne cesse d’acquérir plus de capacités qui le dépassent (bombe atomique, l’intelligence artificielle, etc.). Ainsi je pense que ce livre est nécessaire pour mieux comprendre les limites du progrès et sur la responsabilisation de nos actions qui peuvent mener à la monstruosité et à la perte de l’humanité.