OPINION – Le macronisme et la symétrie des extrêmes

“Gouverner, c’est faire croire”, écrivait Nicolas de Machiavel, et le macronisme en offre aujourd’hui une illustration criante.

Depuis les législatives anticipées, l’utilisation du terme « les extrêmes » pour qualifier le Rassemblement National et la France Insoumise est perpétuée par le pseudo-centre. Cela revient à établir une mise en équivalence, voire une symétrie parfaite entre les deux mouvements – avec, au centre de cette symétrie, évidemment, Renaissance. Et ce phénomène illustre à lui seul l’entrée dans une ère de post-vérité macroniste, qui devient chaque jour plus préoccupante.

Tout d’abord, c’est quoi l’extrême ? Pour répondre à cette question, basons-nous sur une des plus hautes juridictions, celle qui cadre la politique de notre pays dans son ensemble : le Conseil d’État. L’extrême gauche se définit par une profonde volonté de rupture du capitalisme et des institutions mises en place (donc par la révolution). Dans cette ligne, nous pouvons retrouver des partis tels que Lutte Ouvrière (Nathalie Arthaud) ou encore le Nouveau Parti Anticapitaliste (Philippe Poutou). (1) Et le 11 mars 2024, l’institution a définitivement tranché, suivie par le ministère de l’Intérieuro : le Parti Communiste Français et La France Insoumise appartiennent au bloc de gauche, et non à l’extrême gauche.

Les députés insoumis sont évidemment des critiques du système, et parlent fort, mais leurs propos et positions sont classiquement de gauche. À noter que le programme de François Mitterrand est bien plus à gauche que celui de LFI, avec la retraite à 60 ans, la nationalisation des banques et des grandes industries (on a du mal à imaginer LFI réclamer la nationalisation de BNP Paribas), ou encore avec la création du tant contesté aujourd’hui ISF. Et pourtant, dire que François Mitterrand était un populiste d’extrême gauche le ferait se retourner dans sa tombe. La France Insoumise est un parti réformiste, qui souhaite faire évoluer le système par les institutions, et qui a pour volonté la plus « révolutionnaire » de procéder à une évolution de notre République, par une nouvelle réforme constitutionnelle. Une révolution institutionnelle, pacifique, et pleinement démocratique.

En revanche, qu’en est-il du Rassemblement National, qui, lui, se qualifie de parti de « droite » ? L’extrême droite se distingue par un rejet des institutions établies (et plus largement de la démocratie), et par une idée qu’une société est fondée sur une race, une ethnie, une religion… ou un peuple (le fameux « on est chez nous »). Société qui doit être protégée d’une menace qui semble la « submerger ». D’ici provient alors notamment le rejet de l’immigration. En clair, cette idéologie, si elle n’est pas déjà fondée dessus, aboutit rapidement à une xénophobie générale ou bien à toute autre forme de discrimination (à voir qui, cette fois, sera le mal de la nation). Les condamnations répétées de cadres du FN puis du RN, y compris pour antisémitisme, jusqu’à son fondateur lui-même, en témoignent (condamnations qui, pour rappel, n’ont jamais eu lieu à LFI). Et là encore, le Conseil d’État et le ministère sont clairs : le Rassemblement National est d’extrême droite.

En effet, on retrouve un parti anti-démocratique, avec une protestation du Conseil constitutionnel ou encore de l’État de droit, et un parti qui crée une échelle dans la valeur du Français dit natif, et celui issu de l’immigration, au sein d’une même nation (interdiction de certains emplois aux binationaux, suppression de l’AME…)

Mettre LFI et le RN dans le même sac sous le terme “les extrêmes” est non seulement une erreur, mais un danger. L’extrême droite aboutit au fascisme, et la gauche française, qui se veut défenseure des valeurs sociales, ne sera jamais comparable à l’idéologie responsable de plus de 30 millions de morts.

L’anticapitalisme et le fascisme sont les deux idéologies les plus radicalement opposées, et ce dans absolument toutes les sphères, ces deux idéologies qu’on ne pourra jamais aligner, ou pire, comparer. Nous assistons aujourd’hui à une véritable droitisation de la politique, où l’extrême droite n’est plus marginalisée mais banalisée.

Et une gauche qui s’affaiblit de plus en plus sous les accusations d’antisémitisme, et d’un libéralisme qui peine parfois à les distinguer du centre. Le macronisme, par une tentative de se refaire passer pour le juste milieu avant 2027, a participé à la fracture du plafond de verre d’une part, et à un isolement d’une gauche encore véritablement (du moins presque) fidèle à ses valeurs.

Et ici précisément, nous avons oublié le véritable ennemi de la République et de la démocratie, et ce, depuis toujours : l’extrême droite.

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