Réglementer la Fast Fashion n’est plus une mission impossible

Le 14 mars 2024, l’Assemblée Nationale a adopté une proposition de loi visant à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile, notamment du fast fashion également appelé la mode jetable ou mode éphémère. 

Pour faire cela, la proposition de loi envisage d’encadrer la politique de la fast fashion avec l’objectif de freiner la tendance actuelle de surconsommation de vêtements. Ainsi, depuis le 1er janvier 2025, le texte interdit la publicité pour les produits de la mode express ainsi que la promotion des entreprises, enseignes ou marques de fast fashion.

Cette interdiction a été étendue par les députés aux influenceurs commerciaux.

En cas de violation de ces interdictions, des amendes maximum de 20 000 euros (pour les personnes physiques) et de 100 000 euros (pour les personnes morales) pourront être prononcées.
Pour l’auteur de la proposition de loi, cette restriction à la liberté d’entreprendre est justifiée par la nécessité de limiter la surproduction de vêtements afin d’en limiter les conséquences environnementales. 

Aujourd’hui, l’industrie textile est le troisième secteur le plus consommateur d’eau après la culture du blé et du riz et émet 4 milliards de tonnes d’équivalent CO2 chaque année, soit près de 10% des émissions de gaz à effet de serre mondiales. En 2050, ce secteur pourrait même représenter 26 % des émissions globales de gaz à effet de serre, soit plus que les secteurs aérien et maritime réunis, si nous ne changeons pas notre manière de consommer. Cette industrie textile à bas prix, lointaine et délocalisée, est aussi problématique sur le plan social (travail forcé, travail des enfants…). 

Il est ainsi une victoire pour la France de pouvoir enfin réguler les activités néfastes de cette industrie. 

Durant cette semaine symbolique, La Fashion Week de Paris, il est ainsi opportun de revenir sur les impacts sociaux, environnementaux et psychologiques de cette industrie, le troisième secteur le plus polluant du monde. 

En effet, tout a commencé avec l’entrée dans la société de consommation. Avec des revenus plus confortables, la consommation a augmenté au point où les ressources illimitées de notre planète ne peuvent satisfaire le besoin, ou plutôt le désir des consommateurs. Ainsi, aujourd’hui avec l’influence des médias ainsi que les tendances qu’elles suscitent, les achats en matière d’habillement se sont multipliés, notamment dans les pays développés, à tel point que désormais nous pouvons parler de “surconsommation” de vêtements. L’industrie fast fashion, dans laquelle la part de made in France n’est que de 3,3%, est une industrie lointaine, délocalisée et par conséquent écartée de tout contrôle…

Shein, une marque de fashion chinoise en plein essor, fait l’objet de vives critiques du fait de son coût environnemental ainsi qu’à l’égard de son traitement envers ses employés. Depuis plus d’un décennie, le géant de la fast fashion use allégement de la force de travail des prisonniers des camps de rééducation politique en Chine. 

Christophe Castaner, ancien ministre de l’Intérieur, a été nommé il y a un mois conseiller Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) de la marque chinoise de fast fashion, a pris la défense de l’entreprise pour laquelle il travaille désormais.

 « Shein est la marque la plus populaire au monde », assure Christophe Castaner. De l’autre côté, Shein s’est félicité d’avoir recruté un homme «reconnu pour sa grande expérience de l’administration publique, de la gouvernance et de la planification stratégique, ainsi que pour sa connaissance du territoire. » 

Cependant il est à noter : être doté d’une RSE ne contraint en rien l’entreprise à respecter l’environnement ou ses employés qui sont souvent issus des milieux précaires et travaillent pour des revenus très faibles. De même que Total Energies, une entreprise qui extrait et vend des énergies fossiles à large échelle ayant une grande responsabilité dans la déréglementation climatique, a pour ambition “d’être un acteur majeur de la transition énergétique, engagé vers la neutralité carbone en 2050, ensemble avec la société”. Adopter une raison d’être et devenir une société à mission serait un moyen plus rigoureux et sérieux de s’assurer du respect des normes environnementales et sociétales de l’entreprise. En effet, une société à mission est une structure qui inscrit dans ses statuts une raison d’être, ainsi que des objectifs sociaux et environnementaux qu’elle s’engage à poursuivre. Ce statut est formalisé par la loi et nécessite une gouvernance spécifique pour veiller à la réalisation de ces objectifs. En outre, un comité de mission et un organisme tiers indépendant sont chargés de vérifier l’accomplissement des engagements pris par l’entreprise, assurant alors transparence et crédibilité. Ainsi, une RSE peut s’apparenter à une vitrine, une exhibition, un prétendu engagement, visant à soulager les préoccupations des consommateurs et faire bonne image. Il est donc à souligner qu’adopter une RSE n’implique pas un changement de paradigme de l’entreprise ni des modifications dans la chaîne de production, accusée d’être écocidaire et non éthique.

Cet article est donc un appel au consommateur : Certes, il est difficile, dans le monde mondialisé où tout est lié et toute chose peut circuler, d’être fidèle à ses préoccupations écologiques et éthiques, cependant nous pouvons faire mieux. La loi sur la fast fashion a montré que nous pouvons réglementer et limiter les dégâts causés par cette industrie écocidaire. Il ne reste qu’au consommateur de s’impliquer davantage, de demander des comptes aux entreprises qui nuisent à l’avenir de notre planète et être prêt à payer une somme qui récompensera le travail d’autrui. Puisque ce dont nous témoignons aujourd’hui et du néo-esclavage, nul ne doit se permettre de soutenir cette ruée vers le “bon marché” destructrice. 

-P.SERMET

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