Année après année, les parades russes se transforment en “défilés de la misère” militaire

Les Russes qui se pressent derrière les barrières de la place Rouge de Moscou le 9 mai ont dû le remarquer : la parade du jour de la Victoire, qui marquait cette année les 80 ans de la victoire contre l’Allemagne nazie, a rétréci. Bien sûr, comme chaque année, Vladimir Poutine a orchestré avec faste le défilé militaire à travers la capitale.

Il y a convié de nombreux chefs d’État, parmi lesquels le président chinois Xi Jinping et le dirigeant brésilien Lula da Silva. Dans un geste diplomatique calculé, Moscou a même proposé un cessez-le-feu temporaire du 8 au 11 mai — une trêve balayée d’un revers par Kiev, y voyant une manœuvre pour rassurer des invités embarrassés.

Les chars se font rares

Rituel patriotique, le défilé est devenu depuis 2022 une énième caisse de résonance pour la véhémente diatribe du Kremlin, durant laquelle Vladimir Poutine légitime sa guerre en Ukraine, qu’il présente comme une “opération spéciale” et une lutte contre un prétendu “régime néo-nazi” à Kiev. Plus qu’un étalage de puissance militaire, la parade est devenue un vecteur annuel de l’idéologie.

Sauf que le spectacle a perdu en éclat, et en nombre. Selon les observations, reprises par The Economist, du Conflict Intelligence Team (CIT), qui surveille les défilés dans 57 villes russes, la démonstration de force militaire s’est affaiblie. Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine, une grande partie de l’équipement a été envoyée sur le front. Résultat : le nombre de véhicules militaires dans les défilés est passé d’environ 2 000 avant la guerre à moins de 1 000 aujourd’hui.

Les chars, symboles ultimes de la puissance russe, se font particulièrement rares : 108 en 2021, seulement 39 en 2024. Faute de mieux, le Kremlin étaye les cortèges avec du matériel plus léger, plus disponible, mais aussi moins impressionnant. Les véhicules blindés de type MRAP ou IMV prolifèrent, tandis que les pièces lourdes d’artillerie s’effacent au profit de modèles tractés. À Moscou, un unique T-34 a paradé le 9 mai 2025.

“Ce T-34, le légendaire char soviétique de la Seconde Guerre mondiale, était le seul char russe exposé lors du défilé du Jour de la Victoire sur la Place Rouge aujourd’hui. Les autres doivent être occupés quelque part”, n’a pas manqué de relever Max Seddon, chef du bureau moscovite du Financial Times, sur X.

La manne soviétique s’épuise, la Russie réarme

Occupés, ou neutralisés. Certes, l’Ukraine est en grande difficulté dans l’est et le nord de son territoire, mais le prix à payer pour la Russie belligérante est considérable. La fédération a perdu plus de 21 600 systèmes d’armement, dont 4 000 tanks, selon le site Oryx, qui recense les pertes avérées. En comparaison, l’Ukraine aurait perdu environ 8 800 équipements, dont 1 167 chars.

L’hémorragie est telle que la Russie a accéléré sa production militaire. Selon les chiffres du think tank IISS, l’investissement de défense de Moscou est passé de 59,9 milliards de dollars en 2020 à 145,9 milliards en 2024, soit un quasi-triplement du budget en moins de cinq ans. Longtemps dépendante de la cannibalisation de systèmes soviétiques stockés depuis plusieurs décennies, l’armée russe relance sa production. Les usines de munitions tournent à plein régime. La fabrication de missiles balistiques 9M723 aurait triplé entre 2023 et 2024, selon le think tank RUSI.

La construction de chars neufs reste à la peine, de nombreux éléments provenant d’occident. À peine 10 à 15 % des quelque 2 000 chars produits chaque année seraient véritablement neufs, rapporte le RUSI. Si cette lacune est visible sur la place Rouge le jour de la Victoire, la résurgence industrielle globale n’est pas sans inquiéter une Europe affaiblie militairement parlant, après plusieurs décennies de désarmement.

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